viernes, 28 de agosto de 2015

Nadav Kander. Yangtsé, The Long River



Chongqing IV. Picnic de domingo
Vive más gente a lo largo del río Yangtsé que en todo Estados Unidos. Así que en mi primer viaje a China, quise experimentar esto visitando Shangai y Chongqing, una ciudad gigantesca de 27 millones de personas, donde hice esta foto.
Fue en una parte sucia de la ciudad. Había un pequeño vertido tóxico que salía de una planta de acero hasta el Yangtsé. Estaba literalmente chisporroteando de químicos – en realidad, parecía que estaba lloviendo. Y justo al lado había una zona de picnic. Para la mayoría de la gente de Chongqing, es un lugar pintoresco para visitar; algunos incluso nadaban o pescaban. Esto me incomodaba, pero luego me di cuenta de que todos estaban disfrutando de un rato maravilloso – demostrando que las relaciones y la familia es lo que realmente importa.
Así que me acerqué a este grupo e instalé la cámara. Hice que pareciera que estaba fotografiando la escena de la izquierda, luego la giré hacia la derecha, esperé, e hice esta foto. Si hubiese pedido permiso, se habrían puesto de espaldas y todo habría sido diferente. Después les pregunté para estar seguro que de no les importaba. Ya estaba emocionado, sabía que la imagen funcionaría.
Empecé a interesarme por la migración en China, donde alrededor de 150 millones de personas se desplazan, trabajando constantemente, viendo muy poco a sus familias, a veces una vez al año. Así que empecé a fotografiar a individuos en un lugar y luego los transfería a otras fotografía, en una especie de ‘migración fotográfica’.
A la persona desenfocada del extremo de la mesa realmente le hice la foto en una zona de obras de Shangai. Lo puse encima del hombre que estaba sentado allí originalmente. El hecho de que el tipo a la derecha estuviera sentado en una silla muy parecida es sólo casualidad. Es una de las fotos más felices y placenteras que he hecho nunca.


lunes, 10 de agosto de 2015

Germaine Krull, une esthète moderne






La photographe allemande, exposée au Jeu de Paume, captura la modernité de l'entre-deux-guerres. Aussi révolutionnaire dans son engagement que radicale dans son esthétique.
Munich, printemps 1919. L'éphémère République des conseils de Bavière (7 avril-3 mai), inspirée des soviets russes, vient de tomber et l'étau se resserre sur ses partisans. Tous se savent traqués, acculés. Germaine Krull (1897-1985), à laquelle le Jeu de paume à Paris rend un hommage décevant, n'en a que faire. Il lui reste une mission à accomplir — exfiltrer Tobias Axelrod, l'envoyé de Moscou —, et elle compte bien la mener à terme, cachant l'agent dans son studio photo ou chez sa mère, avant de traverser la frontière autrichienne. Arrêtée au Tyrol, elle n'hésite pas, une fois libérée, à filer à Budapest négocier avec le chef du gouvernement révolutionnaire de Hongrie un moyen de faire sortir Axelrod de prison. Et y parvient. Son métier de photographe ? Ce sera pour plus tard. Ce qui compte alors, c'est « la politique, les nouveaux amis, tout ce chambardement à cause de la guerre », écrit-elle dans La Vie mène la danse, ses savoureux Mémoires, réédités aujourd'hui.
C'est du côté de son père qu'il faut chercher ce goût du risque et de la liberté. Du côté de cet ingénieur dilettante qui a mené sa famille de Bosnie en Allemagne, de France en Suisse, d'Italie en Slovénie, s'improvisant un jour directeur de pension de famille, prenant le lendemain la tête d'un domaine agricole appartenant à son épouse, dont il finira par dilapider la fortune. « Il plaçait l'esprit des Lumières revu par les socialistes au-dessus de tout, et élevait sa fille en dehors d'une quelconque religion, fait rarissime à l'époque », raconte l'historienne de la photographie Françoise Denoyelle. Elle a connu Germaine Krull lors de son dernier voyage en France en 1981, menant avec elle de nombreux entretiens dont elle s'est servie pour rédiger les notes de l'autobiographie de la photographe. « J'ai pensé à lui à chaque fois que j'ai tout abandonné pour faire autre chose. Ni les hommes, ni les pays, ni les amis, ni les conventions ne m'ont fait dévier de mon chemin, dans la vie comme en photographie », écrit celle-ci. Et la voilà repartie.
On la retrouve en janvier 1921 à Petrograd, au bras de son nouvel amant, Kurt Adler, dit Mila, persuadée de trouver en URSS, auprès de Lénine, l'espoir d'un monde meilleur. C'était oublier la Tcheka (l'ancêtre du KGB), qui arrête le couple pour déviationnisme. Elle est libérée au bout de neuf mois, juste le temps de comprendre que Mila allait l'abandonner. Retour à Berlin en 1922. Place à la photographie, dont elle avait appris les techniques entre 1915 et 1917 à Munich, dans une école spécialisée ouverte aux filles.
Après la trahison de l'homme de sa vie, il lui faut se reconstruire. D'autant qu'elle a attrapé le typhus dans le train qui la ramenait au pays. La photo devient son « unique bastingage », même si, précise-t-elle, « je n'avais pas de plaisir à en faire. Il fallait juste que je gagne ma vie ». Elle s'associe avec un collègue pour ouvrir un atelier de portraits, de nus. Terminée la révolution ? Pas si sûr. « Ce qu'elle ne pouvait faire en politique, elle va le faire en art », confie Françoise Denoyelle.
En 1965, elle quitte tout pour s'installer à Paris, ic la rue Auber, vers 1928.
Un autre homme est entré dans sa vie : le Néerlandais Joris Ivens (1898-1989), appelé à devenir l'un des plus grands documentaristes du XXe siècle. Alors qu'il fait des repérages dans le port de Rotterdam pour son film Le Pont, elle a l'idée d'en photographier l'agitation, les grues. « Puisque les hommes ne veulent pas changer, pensait-elle, il lui restait le pouvoir de changer leur regard sur les machines »,rapporte Françoise Denoyelle. Elle ose des angles inédits — plongée, contre-plongée, gros plans, détails — forgeant dès 1925-1926 le vocabulaire visuel de la modernité photographique.
Mais Germaine Krull étouffe à Amsterdam et, comme tous les photo­graphes d'avant-garde, rêve de Paris, où elle a vécu enfant avec ses parents. Elle finit par y ouvrir un studio en 1926, se liant vite avec les artistes et les intellectuels de l'époque : Louis Jouvet, qui l'expose dans le foyer de la Comédie des Champs-Elysées ; André Malraux, dont elle restera proche toute sa vie ; Jean Cocteau, dont elle photographie les mains ; le peintre Francis Picabia… « Les gens succombaient à son charme, se souvient Françoise Denoyelle. Non parce qu'elle était belle, mais parce qu'elle était enjouée, chaleureuse, embarquant d'emblée ses interlocuteurs, à la manière de Robert Capa. Surtout, elle s'adressait à eux d'égal à égal. »
Elle se passionne alors pour le reportage et propose ses services aux agences de presse et aux magazines. C'est pour Vu, qui paraît à partir de 1928, et auquel collaborent André KertészMan Ray ou Berenice Abbott, qu'elle réalise certains de ses meilleurs sujets. Celui sur la tour Eiffel, par exemple. Flanquée du photographe Eli Lotar (1905-1969), son nouvel amant, elle pousse une porte interdite au public et en revient avec une série d'images vertigineuses de roues, de câbles, de pistons, de fers, de poulies ou de vis.
Nu féminin, 1928
Mais, comme toute vie de révolutionnaire, la sienne est émaillée d'énigmes et de silences. Pourquoi être passée à côté de la guerre d'Espagne quand tous ses collègues s'y engageaient ? Pourquoi s'installer à Monaco en 1935, travaillant jusqu'en 1940 pour le casino, à photographier les célébrités ? Mystère. Certes, Germaine Krull a perdu ses illusions dans les prisons d'URSS. Ce qui ne l'empêche pas d'entrer en résistance et de s'engager d'emblée auprès du général de Gaulle. Réfugiée à Rio en 1941, la voilà mutée à Brazzaville, au Congo, alors capitale de la France libre, propulsée responsable du service photographique. De là, elle ira à Alger, débarquera en Provence, fera la campagne d'Alsace, participera à la libération des camps de concentration du Struthof et de Vaihingen.
Rester en Europe après ? Impossible. Ce dont elle a été témoin la révulse. « Elle voit comment les choses s'organisent, les résistants de juillet 1944 parader en treillis… », dit Françoise Denoyelle. L'ex-révolutionnaire, la radicale ne peut s'en accommoder. En 1946, elle s'embarque pour l'Asie, d'abord comme correspondante de guerre. Là, elle renoue avec le mode de vie qu'elle avait connu enfant, passant d'un pays, d'une langue, d'une coutume à une autre. Jusqu'à ouvrir un hôtel à Bangkok, qu'elle tiendra pendant vingt ans (1946-1966). Suivant encore et toujours le conseil de son père : « Sois toujours libre d'entreprendre ce que tu veux. »